On connaissait bien ce spleen de Valérian Renault, on découvrait celui de Guilhem Valayé dont le visage et la voix superbe nous avaient émue, il n’y a pas si longtemps,  dans une émission télévisée dont il taira même le nom… Certains, plus avertis, l’ont vu aussi avec son groupe Trois minutes sur mer. Autre point commun avec Valérian Renault qui fut d’abord le chanteur des Vendeurs d’enclumes. Chacun s’en est allé ainsi en solitaire, guitare en mains, comme pour mieux se confronter peut-être à soi-même et au public…

Mais on notera que ces partages, ces rencontres comme ce soir ont de quoi nous enchanter. Le monde est si rude autour d’eux, autour de nous, que l’on devine comme un besoin de rompre l’exil de la scène en solo. D’ailleurs le concert s’achèvera sur la promesse d’un rendez-vous du printemps – Ô le joli moi de mai en perspective ! – où le projet Cinq verra réunis ces deux musiciens de ce soir avec Imbert Imbert, Chloé Lacan et Nicolas Jules. Promesse d’un grand moment de chansons !

Mais revenons à ce concert d’hier soir. Guilhem Valayé nous offre l’image d’un bel homme blond, élégant et racé et s’il ferme les yeux de temps à autre, se met à psalmodier, comme en repli sur ses émotions,  c’est ensuite pour mieux nous revenir souriant et pudique. Il avoue n’avoir ni promotion, ni disque nouveau, simplement le goût de venir nous voir et de nous offrir, fragile,  quelques unes de ses nouvelles chansons… On retiendra des accents de guitare, une voix, qui nous emmènent auprès de « folk singers » d’outre atlantique, ceux qui ont chanté  comme lui leurs « manques à la pelle », leur fatigue de vivre, les paysages qui curieusement se mettent à l’unisson  car « Il pleut aussi dehors… c’est le même son qui ne peut pas sortir »  les départs « Je suis déjà loin, ne m’en veux pas », ces sensations de poids sur le cœur, sur la poitrine …comme une enclume ( !) et surtout la  soif inextinguible de chanter « Je chanterai dans le noir pour que plus rien nous abîme ». Avant que ne vienne Valérian Renault, comme un frère, un double, il nous lance : « Prenez soin de vos boussoles ! Salut ! »

Nous avons souvent dit  la force ténébreuse, la voix unique et la présence généreuse de Valérian Renault. Ce soir, contraint par ce co-plateau, il a limité le temps de parole entre les chansons, et c’est plutôt bien même s’il s’efforce par là , nous le savons, de nous tendre des passerelles légères. Car bien entendu ses textes sont déchirants et c’est aussi ce que nous aimons. On retrouve avec émotion et un plaisir toujours renouvelés, sa  joueuse et sa réponse  « Tu verras qu’ici, chacun son printemps », l’érotisme délicat de T’es belle, la dédicace à l’enfance en enfer, – texte majeur – la fantaisie de Petite Vallée, échappée dans le souvenir d’une scène en Gaspésie, au théâtre de la Vieille forge (clin d’œil du hasard ?).

Avec Valérian on sait que « la vie est moche quand on l’approche d’un peu trop près. Oui, mais c’est la vie… »  Et la vie c’est aussi « un peu de bleu et de satin ».

On terminera en disant que lorsque ces deux chanteurs se réunissent en scène, c’est carrément  du bonheur… On aurait volontiers prolongé ce plaisir là… On attendait La montalbanaise de Valérian Renault, nous l’avons eue dans un duo efficace avant de l’entendre dans  une « chanson salvatrice » La tendresse de Bourvil.

Un peu de bleu et de satin sur nos joues.